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Le Blog de Pascal Fouché flipbook.info
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Un blog sur le flip book

   Afin de partager mes découvertes concernant cet objet méconnu qu'est le flip book, je vous propose de commenter ici régulièrement ce que je peux trouver de nouveau en matière d'histoire du flip book et des feuilleteurs et aussi de vous présenter mes dernières trouvailles. N'hésitez pas à réagir (en français ou en anglais) et à me faire part de vos propres réflexions ou des nouveautés dont je n'ai pas encore connaissance. Ainsi pourrons-nous faire progresser notre connaissance de cet univers.

Pascal Fouché

7 juin 2020 à 23:46:03

Un flip book de César Linga chez Flipboku

L’éditeur espagnol Flipboku poursuit ses publications de flip books montrant six animations en un seul flip book grâce à une impression et un façonnage particuliers dont j’ai déjà parlé ici (le 4 décembre 2016 et les 19 mai et 17 novembre 2019).

Ce nouveau flip book est tiré du film d’animation Muedra de César Linga réalisé en 2019. César Díaz Meléndez, dit César Linga, est un réalisateur espagnol qui a travaillé sur de nombreux films d’animation comme Frankenweenie de Tim Burton, Isle of Dogs de Wes Anderson, ParaNorman des studios Laika ou Ma vie de Courgette de Claude Barras. Avec ses propres réalisations comme Zepo, Vivir ou Muedra, il a participé à de nombreux festivals et gagné une réputation internationale.





Le flip book avec ses six séquences rend bien l’atmosphère et les couleurs du film. Depuis leur premier flip book en 2016, Flipboku fait preuve d’originalité et nous livre des flip books dont la qualité de réalisation est remarquable.

On peut les commander sur le site de l’éditeur :

https://www.flipboku.com

21 juin 2020 à 23:46:19

Les « Kinopocket » : flip books d’Innovation et Opéra Corner

À la fin des années 1920 Innovation et Opéra Corner, deux enseignes parisiennes, ont réalisé des flip books dont la plupart sont ce que j’appelle des « Portraits Flips », des flip books réalisés en photographiant des particuliers qui peuvent se mettre en scène devant l’objectif et repartir avec leur flip book sur papier photo. Les plus célèbres de ces Portraits Flips sont ceux réalisés par Biofix dont j’ai déjà parlé ici (voir notamment au 15 octobre 2006) et ceux produits par l’Olympia Théâtre Jacques Haïk (voir au 6 mai 2013). Ils sont assez rares car même s’ils pouvaient être produits à plusieurs exemplaires, ils n’ont le plus souvent fait l’objet que d’un ou deux tirages pour les personnages représentés. Mais beaucoup ont été réalisés ; j’ai dans ma collection une trentaine de Biofix et une quarantaine de l’Olympia.

Les « Kinopocket » d’Innovation et Opéra Corner ont parfois été filmés en extérieur ; c’est moins le personnage que la scène elle-même qui est privilégiée. Ils devaient donc être plus coûteux à produire à moins qu’ils aient été faits à partir de films apportés par les clients. Par ailleurs certains, qui reprennent des extraits de films d’actualité ou de cinéma, ne rentrent pas dans cette catégorie des Portraits Flips. Ils sont tous constitués de photographies, donc tirés sur du papier photo de l’époque, et sont fatalement plus épais que s’il s’agissait d’une impression.





J’ai cinq de ces « Kinopocket » dans ma collection mais, avant de les présenter, j’ai recherché ce qu’étaient ces deux enseignes Innovation et Opéra Corner.

Opéra Corner 38, avenue de l’Opéra, est un magasin de disques et phonographes lié à un autre magasin Innovation, spécialisé dans le voyage et le luxe, qui se trouvait au 104, avenue des Champs-Élysées ; c’est son logo que l’on retrouve sur la couverture des « Kinopocket » sous la mention « Création exclusive ».

Voici ce que j’ai pu reconstituer sur ces deux enseignes.

Innovation

La société Innovation a été créée par Seymour Wentworth Bonsall (1865-1936), un banquier américain qui venait en Europe chaque année pour ses affaires et son plaisir. Sa femme avait le cœur fragile et, dit-on, beaucoup de mal à récupérer sa malle posée sous la couchette. S. W. Bonsall eut l’idée d’en inventer une d'où l’on pourrait retirer son linge, ses robes ou ses costumes aussi facilement que chez soi. C’est ainsi qu’est née ce que l’on appelle la malle-armoire. Pour produire ses malles et autres objets de voyage, S. W. Bonsall crée, en 1898, la société Innovation Ingenuities Incorporated à New York au 329 Fifth Avenue et ouvre bientôt des succursales à Chicago, Philadelphie, Londres, Paris, Lucerne et Alexandrie. La firme sera très vite connue sous le simple nom d’Innovation.



On trouve un magasin à Paris dès 1911 sous le nom d’Innovation Trunk Agency au 84, rue des Petits-Champs puis, l’année suivante, au 10, rue Auber. Le 21 avril 1914, cette fois sous le simple nom d’Innovation, s’ouvre un magasin beaucoup plus important, qualifié de « salons de démonstration », au 104, avenue des Champs-Élysées. Mais tous les articles commercialisés viennent des États-Unis ce qui entraîne des coûts importants de transport et de douane et de ce fait des prix de vente élevés.

Le 14 juin 1919, cette succursale d’Innovation est transformée en une société anonyme française au capital de 2 millions de francs, qui montera par la suite jusqu’à 5 millions, dont les actions feront l’objet d’une émission publique : « Cette société est formée dans le but d’exploiter dans toute l’Europe Continentale la marque et les brevets "Innovation" en donnant à cette affaire, déjà considérable en France avant la guerre (2 magasins d’expositions à Paris, 38 agences en France et 23 dans les autres pays d’Europe) un développement intensif. La nouvelle société se propose de fabriquer, en outre elle-même, tous ses produits pour pouvoir enfin subvenir à toutes les demandes en assurant une fabrication digne de son nom ».

Ainsi sont créées une usine à Bayonne et une autre à Vincennes pour la fabrication de ses malles et de ses meubles.

Par la suite on trouvera une autre boutique au 2, rue de Sèze, un « dépôt central » au 237, rue Saint-Honoré et en 1921 une succursale Innovation-Automobile qui propose des accessoires pour les voitures de luxe. Innovation vend essentiellement des malles, des sacs et de la maroquinerie. Mais dans le magasin s’ouvrira également un « studio » qui vend des disques, des phonographes et des radios. C’est là qu’en 1923, Innovation commercialise les phonographes américains Sonora. On y trouvera également un phonographe baptisé « Innophone » et un autre de poche appelé « Mikiphone ». On peut trouver des annonces publicitaires jusqu’au tout début des années 1970 où est commercialisée une chaîne haute-fidélité Yamaha.



Opéra Corner

L’Opéra Corner est un magasin spécialisé dans la vente de disques et de phonographes qui a existé au 38, avenue de l’Opéra à Paris entre 1926 et 1939.

Une société à responsabilité limitée au capital de 100 000 francs, Opéra-Corner, est créée le 14 avril 1926 ; elle a pour objet « l’achat et la vente de tous articles de voyage, maroquinerie, ainsi que de tous phonographes, disques et tous appareils de musique et d’horlogerie, ainsi que de tous articles de coutellerie, et généralement de tous articles de Paris » et son siège social est au 38, avenue de l’Opéra.

L’actionnaire principal d’Opéra-Corner est la Société des Établissements Raymon, représentée par son administrateur-délégué, Raymond Dreyfus. Elle détient 75 des 100 parts du capital en échange de l’apport du droit au bail du local ; les 25 autres parts sont détenues par la Société anonyme Innovation représentée par Max Lopès. Le gérant est la société Innovation.

L’Opéra Corner est inauguré le 17 juin 1926 ; on trouve des comptes-rendus, manifestement publicitaires, dans la presse dès le lendemain :



Entre le 30 juin et le 30 novembre 1926, la Société des Établissements Raymon cède à la Société anonyme Innovation, 73 des 75 parts qu’elle détient dans Opéra-Corner et le 30 novembre elle cède les deux autres parts à Lucien Fernandez Patto, administrateur de Sociétés.



On peut en déduire que dès l’origine l’Opéra Corner est en fait une filiale de la Société Innovation. C’est la raison pour laquelle on trouve de nombreuses publicités où les deux enseignes sont associées. Cela prend fin dès le mois de juin 1930 date à laquelle la Société Opéra-Corner est vendue à la Société Willemetz et Cie. Les publicités communes avec Innovation vont très vite disparaître et son activité semble se recentrer sur la vente de phonographes, radios et photos ; on voit même apparaître des studios Philips Opéra Corner inaugurés en octobre 1934.



Enfin, la société Willemetz et Cie, « Opéra Corner », « ayant pour objet l’exploitation d’un commerce de phono, radio, photo » est déclarée en faillite le 20 janvier 1939 par le tribunal de commerce de la Seine.

Kinopocket

Le 7 avril 1927 a lieu le lancement du « Kinopocket » ; il fait l’objet, pratiquement dans les mêmes termes, de comptes rendus dans Le Figaro, L’Œuvre et L’Écho de Paris :



Le Kinopocket comporte au verso le nom d’Opéra Corner avec son adresse comme un éditeur et au recto le logo d’Innovation sous la mention « Création exclusive ». On comprend avec l’histoire des deux enseignes le rapport entre les deux.

Le nom « Kinopocket » est suivi de la mention « Patented the world over ». Je n’ai pas encore pu faire la recherche pour le vérifier.
Le terme « Kinopocket » pour un flip book avait probablement déjà été utilisé ; il l’était en tout cas par un studio photographique italien Kinographico qui avait publié en 1925 sous cette forme des images du pape Pie XI.



On peut conclure de leur histoire que les « Kinopocket » d’Innovation et Opéra Corner ont été produits à l’époque où l’Opéra Corner appartenait à Innovation c’est-à-dire entre avril 1927 et au plus tard juin 1930. Il n’est même pas certain que cela ait duré si longtemps car je n’ai retrouvé dans la presse aucune nouvelle mention et aucune publicité s’y rapportant après le lancement.

Voici le détail des 5 qui figurent à ce jour dans ma collection.

Le premier est vraiment un « Portrait Flip » car il représente sur un fond blanc un homme qui sort de sa poche un carnet et qui l’ouvre. Il contient 146 images et porte le numéro 2 588. Il a un étui en assez bon état qui comporte une étiquette reprenant les informations qui sont sur la couverture.



Le deuxième montre un cavalier en plein air sautant un obstacle. La scène est répétée trois fois et le flip book contient en tout 138 images. Il porte le numéro 2 864. Il a également son étui mais l’étiquette a disparu.



Le troisième montre une jeune femme qui joue avec un chien sur une plage. Il contient 118 images et devait en contenir 4 de plus qui ont été découpées. Il porte le numéro 2 703 mais il a ceci de particulier que les première et quatrième pages de couvertures sont recouvertes par l’étiquette Kinopocket qui se trouve en principe sur les étuis et les deuxième et troisième pages sont en fait ce qui sert en principe de quatrième page c’est à dire la mention « Kinopocket n° » avec le nom d’Opéra Corner et l’adresse. Seule la troisième comporte le numéro. Le flip book a semble-t-il été beaucoup feuilleté et a perdu son étui.



Le quatrième ne contient que 45 images mais il s’agit d’une séquence d’actualité puisqu’on y voit l’aviateur Charles Lindbergh entouré de personnalités non identifiées. On distingue le nom de l’aviateur « Ch. Lindbergh. » écrit à l’encre en bas de la couverture et à la place du numéro sur la dernière page figure la date « Juin 1927 ».



À cette date Charles Lindbergh vient pour la première fois de traverser l’atlantique sur son avion le Spirit of St. Louis. Parti de New York le 20 mai, il est arrivé à Paris le 21 où il a été accueilli en héros. Il est resté à Paris jusqu’au 28 mai célébré de réceptions en réceptions avant de partir pour Bruxelles et Londres puis est revenu à Paris où il a passé la journée du 3 juin avant de repartir le 4 pour les États-Unis. Il n’est donc resté qu’une journée en juin à Paris. La date figurant sur le flip book est peut-être la date à laquelle il a été fabriqué car la séquence semble plutôt correspondre, d’après les photos de l’époque, à la réception organisée à l’Hôtel de l’ambassadeur des États-Unis le 22 mai.

Enfin le cinquième ne comporte aucune indication sur ce qu’il contient et le numéro, s’il s’agit bien d’un numéro, est en grande partie effacé. Il contient 63 images et l’on y reconnaît aisément une scène du film culte de Fritz Lang Metropolis. Le film a été présenté à la presse à Paris les 5 et 16 mars 1927 ce qui est cohérent avec le début de la production des « Kinopocket » en avril.



Il existe une autre version de ce flip book sous une présentation différente mais que je n’ai pas dans ma collection. Il est agrafé sous couverture souple, la première page de couverture porte le nom du film Metropolis et les sigles des producteurs UFA pour Universum Film AG et ACE pour Alliance Cinématographique Européenne et la quatrième page de couverture porte la mention « Édité par "Kinopocket" 38, avenue de l’Opéra Paris ». Il ne contient que 50 images auxquelles s’ajoutent quatre pages sur la production et trois pages de publicité.

Il est difficile de dire combien de flip books ont été produits par Innovation et Opéra Corner sous le nom de Kinopocket. Ceux qui sont numérotés portent tous des numéros entre 2 000 et 3 000 ce qui pourrait indiquer qu’il y en a plusieurs centaines sans que l’on sache par quel numéro ils ont commencé. Il est difficile de les trouver en très bon état car ils ont souvent été beaucoup feuilletés ce qui se comprend quand il s’agit de souvenirs personnels.

Parce qu’ils sont proches au moins par leur nom, leur forme et leur époque et pour poursuivre l’aperçu de cet univers très particulier que sont les « Portraits Flips » réalisés à façon pour des particuliers, voici deux curiosités sur lesquelles on pourra un jour se pencher : le premier, « Pocket-Kino », est allemand et le second, « Kinopochet », est italien : il reste encore de belles découvertes à faire !



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