On me demande parfois pourquoi ma collection ne figure pas au Guinness des records comme la plus importante collection de flip books. Je ne suis pas un adepte des records à tout prix et je n’ai jamais estimé que ce type de reconnaissance pourrait changer quoi que ce soit mais j’ai quand même contacté le Guinness pour voir ce qu’il fallait faire.
Après avoir proposé le type de record que l’on veut établir, on obtient une réponse au bout de trois mois ; j’ai donc été autorisé à soumettre ma collection comme la plus importante collection de flip books mais pour qu’elle soit reconnue comme telle on m’a précisé qu’elle doit bien sûr répondre à un certain nombre de conditions.
Certaines de ces conditions, comme le fait de pouvoir établir une liste des flip books (qui existe déjà sur mon site) ou de pouvoir contrôler la collection dans un lieu accessible, étaient faciles à satisfaire mais d’autres étaient pour moi tout à fait incompréhensibles et impossibles à remplir étant donnée la spécificité de ma collection.
L’une des conditions qui m’ont été posées est que les flip books aient tous été commercialisés. Je comprends l’intention qui est d’éviter que l’on bricole chez soi de nombreux flip books pour augmenter artificiellement une collection. Mais quand on connaît un tant soit peu ce qu’est un flip book, c’est une condition inacceptable parce qu’un grand nombre d’entre eux n’ont jamais été mis dans le commerce. C’est le cas notamment des flip books publicitaires, y compris les primes offertes avec des produits, de beaucoup de flip books réalisés par des artistes eux-mêmes, des flip books imprimés à partir d’internet, des flip books à découper dans des magazines ou des livres, des planches d’autocollants qui servent à constituer des flip books, etc. En tout j’ai estimé que plus d’un tiers de ma collection ne pourrait pas être prise en compte et ce serait se priver de types de flip books parmi les plus intéressants : les flip books publicitaires, justement parce qu’ils ne sont pas rentrés dans un circuit commercial, sont parmi les plus difficiles à trouver même quand ils ont fait l’objet d’un tirage important ; les flip books d’artistes sont parfois des pièces uniques et souvent des tirages très restreints avec des types de reliures artisanales qui sont fréquemment remarquables ; les flip books imprimés à partir d’internet finissent par disparaître et même s’ils ne sont pas toujours les plus intéressants, il est important à mon sens d’en conserver la trace ; les flip books à découper sont souvent de très bonne qualité et une manière très ludique de traiter certains sujets ; les planches d’autocollants sont souvent des flip books publicitaires ou des produits de papeterie éphémères… Pourquoi tous ces flip books ne pourraient-ils pas appartenir à une collection ?
Une autre condition posée, qui est d’ailleurs un peu liée à la première, était que les flip books publiés depuis 1973 soient identifiés par un ISBN. L’International Standard Book Number est un numéro unique qui permet d’identifier un livre et à partir duquel on peut produire un code-barres ce qui est utile pour le commercialiser en facilitant notamment les commandes. Si effectivement, depuis 1973, date de création de l’ISBN, certains flip books comportent un ISBN parce qu’ils sont commercialisés dans les circuits du livre, ce n’est pas le cas, loin de là, de tous les flip books justement parce qu’ils ne sont pas vraiment considérés comme des livres.
Tout cela montre une méconnaissance de ce qu’est une collection de flip books. Le flip book n’est pas un livre comme les autres et c’est d’ailleurs pour cette raison que l’on en trouve très peu dans les bibliothèques (et qu’il n’y a d’ailleurs pas de collection plus importante dans une bibliothèque publique). Le flip book est plutôt classé dans la catégorie des « ephemera », un produit éphémère qui n’est pas forcément destiné à être conservé et qui n’est pas commercialisé dans des circuits traditionnels ; il est d’ailleurs tellement éphémère qu’il est justement difficile à trouver en bon état quand il a été beaucoup feuilleté. Aujourd’hui je suis sûr qu’à peine un quart des flip books qui sortent, qu’ils soient commercialisés ou non d’ailleurs, comporte cet identifiant du livre…
J’ai essayé d’expliquer tout cela à mes interlocuteurs du Guinness mais en vain. Ils m’ont proposé de ne comptabiliser que les flip books qui répondent à leurs critères ! Quel intérêt de faire reconnaître une collection incomplète alors qu’ils sont tous exposés sur mon site internet ?
J’ai donc finalement renoncé à soumettre ma collection au Guinness World Records ; elle est visible ici même et n’a pas besoin d’une autre reconnaissance que la consultation régulière de tous ceux qui, un jour ou l’autre, s’intéressent à ce petit objet qui, depuis 150 ans, est toujours produit alors qu’il aurait pu disparaître depuis bien longtemps. Et je ferais mon possible pour qu’un jour ma collection finisse dans une institution publique afin qu’elle témoigne de cette histoire.