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Un flip book est une réunion d'images assemblées destinée à être feuilletée pour donner une impression de mouvement et créer une séquence animée à partir d'un simple petit livre et sans l'aide d'une machine. Très populaire à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, mais encore fabriqué de nos jours, le flip book (du verbe to flip over ou to flip through : feuilleter) est le nom américain, plus connu que son appellation française, du folioscope (parfois aussi appelé kineograph, feuilletoscope ou cinéma de poche). Les anglais utilisent les termes flick book ou flicker book et les allemands Abblätterbuch (livre à feuilleter) au XIXe siècle et depuis Daumenkino : « le cinéma avec le pouce », appellation que l'on retrouvait parfois aux États-Unis au début du siècle (thumb book ou thumb cinema) comme celles moins courantes de flip movie, fingertip movie, riffle book, living picture book ou hand cinema. Certains auteurs ont rapproché le flip book du Magic Book ou Blow Book , catégorie de livres en vogue au XIXe siècle qui permettait des animations ou des illusions d'optique qui n'ont à voir avec le flip book que parce qu'ils utilisent le principe de l'animation. L'acteur et historien de la magie, Ricky Jay a consacré un splendide ouvrage à ces petits livres. 1
Si le flip book s'utilise le plus souvent comme un petit livre, il peut se présenter sous plusieurs formes : en carnet agrafé, broché ou relié comme n'importe quel livre, en feuillet(s) avec des images à découper qui s'assemblent également sous la forme d'un carnet, et en planche d'autocollants à placer au bord des pages d'un cahier ou d'un carnet. Il est possible de l'utiliser dans les deux sens s'il est imprimé recto verso et certains sont plus rarement imprimés par deux dos à dos. Fait pour être feuilleté, et en particulier par les enfants auxquels il a été souvent destiné à l'origine, le flip book est un objet dont la fragilité s'explique par son caractère éphémère. N'étant pas fabriqué pour être conservé, il est difficile à trouver en bon état et à archiver ce qui rend d'autant plus difficile la récollection. Les bibliothèques n'en conservent que rarement des exemplaires parce que beaucoup ne sont pas commercialisés de manière traditionnelle. Il n'y a que depuis que certains utilisent l'ISBN (le numéro d'identifiant du livre) qu'ils sont enregistrés comme des livres. La magie du flip book, c'est de s'adresser à tous les âges et toutes les nationalités et de ne pas nécessiter de connaissances particulières pour l'utiliser ce qui lui donne un caractère universel. Ceux qui se lancent dans cette quête sont plus souvent intéressés par le côté ludique du flip book que par son contenu. De témoignage sur les débuts du cinéma à l'utilisation de l'illustration ou de la photographie et jusqu'aux flip books d'artistes qui ont été réalisés depuis les années cinquante, c'est une réunion, qui comme toute collection de livres peut réserver nombre de surprises. On a vu des flip books utilisés dans des films, comme dans la comédie musicale Footlight Parade de Llyod Bacon et Busby Berkeley en 1933 dans lequel James Cagney anime un bateau qui prend le large sur un jeu de cartes. Un épisode de la série télévisée « Les Experts. Miami » intitulé « Paparazzi » montre également les enquêteurs qui constituent un flip book avec les photos prises en rafale par le photographe assassiné, reconstituant ainsi la scène à laquelle il a assisté. On en trouve aussi dans des romans comme Ragtime de E.L. Doctorow dans lequel l'un de ses personnages, dessinateur de silhouettes, invente le flip book avant de devenir producteur de cinéma dans les Etats-Unis du début du siècle 3. Il est présent aussi dans des publicités comme celle des UGC Ciné Cité au début du XXIe siècle. Si le flip book est absent de toutes les histoires du livre, il peut se rattacher aux livres animés mais n'est pas considéré comme tel par les amateurs de livres à systèmes ou de livres à transformations (les movable books en anglais). Il est cependant parfois considéré comme un livre-objet ou un livre d'artiste et à ce titre peut apparaître dans certaines publications (livres ou revues) consacrées à ce type de livres. Ainsi Johanna Drucker dans The Century of Artists' Books 4 explique que le flip book est un genre de livre en soi mais n'en donne qu'un exemple et n'en retrace pas l'histoire. La revue Book Unbound. The Journal of Artists' Books, signale parfois des flip books d'artistes comme notamment ceux de Stephanie Ognar 5. C'est en définitive dans les ouvrages sur les débuts du cinéma que l'on trouve le plus d'informations, même si elles sont souvent contradictoires ou parcellaires, sur ce genre méconnu le plus souvent considéré soit comme un jouet pour enfants, soit comme un objet un peu étrange qui ressemble à un livre mais qui tient plus de la bande dessinée genre déjà lui-même peu considéré même si certains bibliophiles commencent à s'y intéresser.
On ne sait pas dater précisément l'apparition du flip book (Voir l'animation), mais on peut penser que de même qu'avant l'apparition du cinéma bien des créateurs avaient été fascinés par l'image, de tous temps des artistes ont pu dessiner sur leurs carnets des suites d'images que l'on pouvait feuilleter. À Heidelberg se trouve un manuscrit enluminé dont certaines pages contiennent des images successives dans lesquelles seules quelques détails changent racontant en quelque sorte une histoire (voir la reproduction numérisée : http://digi.ub.uni-heidelberg.de/sammlung1/cpg/cpg67.xml?docname=cpg67&pageid=PAGE0001). On ne peut pas savoir si l'ouvrage pouvait ou non être utilisé comme un flip book mais le principe est là 8. La réalisation de flip books artisanaux ou imprimés est aussi difficile à dater. Dans un film documentaire, réalisé en Allemagne en 1986, consacré à la préhistoire du cinéma et intitulé Was geschah wirklich zwischen den Bildern ? 9 Werner Nekes parle du flip book et attribue son invention à un peintre nommé Lautenburg en 1760 sans en dire plus. Interrogé, Werner Nekes a admis que l'information venait du livre d'Adolf Hübl, 51 Jahre Film 10 publié en 1947 qui précise que ce peintre est allemand parce que né à Fulda. En fait il s'agit du peintre français Philip James de Loutherbourg (1740-1812), aussi appelé Lutherbourg ou Lauterbourg, qui est effectivement né à Fulda et mort en Angleterre qui a réalisé ce qu'il a appelé un « Eidophusikon », panorama animé à partir de peintures présentées successivement sur le principe de la Camera Obscura. On parle de lui dans les ouvrages sur le pré-cinéma mais sans que le rapport avec le flip book soit mentionné. Les ouvrages sur la préhistoire du cinéma situent plutôt la naissance du flip book au XIXe siècle, liée en fait au passage de la photographie au cinéma. On sait par exemple que l'Allemagne a très vite été un pays de prédilection pour ce genre d'objets comme les États-Unis où on les a parfois appelés Penny book et où Thomas Edison a réalisé des films pour accompagner ses bandes sonores dont il a également tiré des flip books. On connaît également toutes les inventions qui visaient à animer les images : John Paris et son Thaumatrope en 1825, Joseph Plateau et son Phenakistoscope en 1832, Coleman Sellers et son Kinematoscope en 1861, Charles-Émile Reynaud et son Praxinoscope en 1877, Thomas Edison et son Kinetoscope en 1891.
Le 17 novembre 1886, un autre anglais, Arthur Andrew Melville dépose un brevet (British Patent, n°14917) presque similaire à celui de Linnett mais dans lequel sous le nom de « The Living Picture Book », deux flip books sont tête-bêche. Il imagine également qu'il puisse y avoir trois flip books reliés en triangle, quatre et même six flip books en hexagone. Nous ne savons pas s'il en a réalisé de tels. Dix ans plus tard il imaginera lui aussi un premier feuilleteur (voir la partie feuilleteurs).
C'est un fabricant de jeux, Charles Auguste Watilliaux, 110, rue Vieille-du-Temple, à Paris, qui réalise en 1896 ce qu'il appelle un folioscope qui ressemble à celui imaginé par Melville dix ans plus tôt. Sa description nous est parvenue grâce à Gaston Tissandier qui écrit dans la revue scientifique La Nature le 21 mars 1896 : « Récréations scientifiques – Le folioscope Tout le monde connaît le zootrope, […] mais voilà que vient de paraître un objet bien plus simple encore que le zootrope jouet et qui donne le même résultat que cet appareil ingénieux. Il s'agit d'un album double dont nous représentons dans la gravure que nous publions ici les deux exemplaires brochés ensemble dos à dos. Les pages de ce double album ont 5 centimètres de hauteur et donnent chacune diverses reproductions d'une danseuse qui lève et abaisse les bras et les jambes et d'un forgeron qui bat son fer rouge, ou d'une gymnaste qui fait du trapèze.
On laisse glisser aussitôt le pouce de la main droite sur la tranche, ni trop lentement, ni trop rapidement, pour qu'il n'y ait pas d'arrêt dans le défilé des figures successives, ni de feuillets inaperçus. Après quelques tâtonnements on arrive à le bien faire fonctionner, et les pages des mouvements se succédant on voit le forgeron battre son fer et la danseuse qui fait ses pas. Les deux albums réunis fonctionnent des deux côtés. En retournant cet album sens dessus dessous, on a deux autres séries à faire voir ; le dessus et le dessous des feuillets ayant chacun des séries de personnages en mouvement qui forment ainsi deux spectacles de figures à chaque volume, il y a donc quatre séries d'images dans le petit album double 11. » Le 1er mai 1896 Charles Auguste Watilliaux et Siméon Claparède déposent un brevet avec la description suivante : « Appareil donnant l'illusion du mouvement par la succession rapide de photographies ou dessins ». La Nature s'en fait l'écho dans son numéro du 9 janvier 1897 : C. A. Watilliaux après son folioscope d'images dessinées à la main s'est mis d'accord Georges Demeny pour utiliser ses images et « au lieu de les monter en cahier, il les monte autour d'un axe placé horizontalement dans une boîte en carton et muni d'une manivelle 12 ». C'est probablement le premier feuilleteur en forme de jouet. Quelques mois plus tard ils déposent un second brevet pour un appareil du même principe mais utilisant un miroir. (Sur ces jouets, voir notre partie feuilleteurs). Le 3 avril 1897, ce sont à nouveaux deux anglais, John O'Neill et Robert McNally qui déposent un autre brevet ( British Patent , n°8572) pour des flip books réalisés cette fois à partir de photographies : « The figures may illustrate a prize fight, a cock fight, a wrestling match, a skirt dance, skipping, a drinking bout, or the like, the subjects in this respect being practically unlimited. The respective movements of the figures are represented or imitated to a nicety by the rapid slipping of the leaves throught the fingers, which has the effect of producing an optical illusion as perfect as it is amusing and interesting ».
Au Congrès International de Météorologie de 1900, le scientifique français Paul Garrigou-Lagrange a utilisé le cinématographe de poche pour montrer des cartes météorologiques en mouvement qu'il avait dessinées 14.
« Nos regards se portèrent ensemble sur un éventaire improvisé dans un petit magasin sans locataire, et la même idée nous vint : nous allions nous quitter dans une sévère circonstance… peut-être serait-il plaisant de faire prendre ainsi une telle image animée de nous deux…
D'abord saisis - mais ce n'était plus le moment de fuir -, vite nous allions comprendre qu'il ne fallait pas rester immobiles. J'eus l'à-propos de me tourner vers Apollinaire et de lui dire : " Il faut bouger, dire n'importe quoi, sinon nous allons avoir l'air de deux couillons ! ". Cela le fit rire et, s'agitant, il balbutia quelques mots vagues que je n'entendis pas, et les accompagnant de gestes que l'on voit dans la suite des images. Soudain c'était fini 16 ».
Du 7 mai au 21 août 2005 a eu lieu au Kunsthalle de Düsseldorf la première exposition d'envergure consacrée au flip book. Sous le titre « Daumenkino. The Flip Book Show » l'exposition a montré quelques flip books et feuilleteurs historiques (dont certains de notre collection) et un grand nombre de flip books d'artistes. Un catalogue 18 très illustré a été édité à cette occasion qui contient un DVD permettant de voir les flip books les plus anciens comme ceux de Linnett ou Skladanowsky et d'artistes comme Robert Breer, Andy Wharol, George Griffin, Gilbert & George, etc.
1 : Ricky Jay, The Magic Magic Book. An inquiry into the Venerable History & Operations of the Oldest Trick Conjuring Volumes designated « Blow Books », New York, The Whitney Museum of American Art, 1994. 2 : Gérald Dupeyrot, « Flip Story », BàT, mars 1981, pp.32-35. 3 : E.L. Doctorow, Ragtime , Laffont, 1976 (repris dans la collection « J'ai Lu », n°825). 4 : Johanna Drucker, The Century of Artists' Books, Granary Books, 1995. 5 : Book Unbound, Spring 2001, page 16. 6 : Sur les jouets optiques, voir la remarquable série d'articles de Pascal Pontremoli parus sous le titre « De l'animoscope au zootrope » dans Le Vieux Papier, fascicules 338 (octobre 1995), 340 (avril 1996), 342 (octobre 1996) et 344 (avril 1997). Repris en plaquette la même année. 7 : À l'American Museum of the Moving Image de New York, on peut même réaliser son propre flip book en se faisant filmer devant une caméra qui enregistre 40 images qui imprimées et assemblées constitue un flip book inédit et original. 8 : Merci à Christin Müller de nous l'avoir signalé. 9 : Werner Nekes, Was geschah wirklich zwischen den Bildern ? Gurtrug-Film, 1986 (sorti aux États-Unis sous le titre Film Before Film , Kino on Video, 1999). 10 : Adolf Hübl, 51 Jahre Film, Wien, Eberle Verlag, 1947. 11 : Gaston Tissandier, « Récréations scientifiques – Le foliosocope », La Nature, n°1190, 21 mars 1896. 12 : « Le folioscope mécanique », La Nature , supplément au n°1232 du 9 janvier 1897. 13 : Voir leur description dans : Georges Naudet, « Les Folioscopes du Bon Marché », dans Pascal Pontremoli, op.cit., pp. 16-17. 14 : La Nature, n°2358, 25 mai 1919. 15 : Le Bottin du commerce mentionne l'existence de Biofix jusqu'en 1921. 16 : « Apollinaire filmé en 1914 », Le Point, juin 1944. 17 : Jacques Haïk a inauguré la salle de l'Olympia en 1930. Il construira ensuite Le Grand Rex en 1932 et Le Français boulevard des Italiens en 1939. La salle de l'Olympia est restée dans le groupe des sociétés Jacques Haïk jusqu'en 1987. 18 : Coédité par le Kunsthalle de Düsseldorf et Snoeck, éditeur à Cologne.
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